La sexualité après la naissance : 1ère partie

Pendant les mois froids de l’hiver, nous nous consacrons à un sujet qui préoccupe parfois moins, souvent plus et parfois beaucoup la plupart des (nouveaux) parents : La sexualité après la naissance.

Lorsqu’un couple devient parent, il doit surmonter une multitude d’obstacles en même temps. La sexualité peut également devenir un obstacle. Environ un tiers des couples retrouvent leur sexualité habituelle 6 à 12 mois après une naissance. Pour un tiers d’entre eux, tout va bien et pour le dernier tiers, la relation intime est au point mort. Cela ne veut tout simplement plus « marcher ». La plupart du temps, les différences d’intérêt pour le sexe entraînent le couple dans des discussions interminables ou dans un silence paralysant et un sentiment d’impuissance. Une dynamique qui se renforce mutuellement se met en place et pose de réels problèmes au couple. C’est précisément cette dynamique qu’on souhaite ici examiner de plus près.

La sexualité vécue en couple change avec l’arrivée d’un enfant. Souvent – même si pas toujours! – pour les mères l’érotisme passent au second plan pendant la phase de la petite enfance. La plupart des jeunes parents savent que l’intensité des rapports sexuels baisse pendant les mois qui suivent l’accouchement. Qu’il ne s’agit souvent pas de simplement „retourner“ vers l’ancien, le connu, mais plutôt de réinventer la sexualité de couple en général, de cela on n’en parle pas beaucoup. Plus le temps passe, plus l’aspect sensuel et érotique de la relation de couple devient tendu. L’homme – d’abord compréhensif – se sent de plus en plus rejeté. Il doute de lui-même, pense qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez lui et oscille entre espoir, irritation et désarroi.

Quelles sont les possibilités de l’homme dans une telle situation ? Peut-il influencer positivement le cours des choses tout en se sentant exister en tant qu’être sexué?

Oui, il le peut. Premièrement en faisant preuve de compréhension et deuxièmement en osant aborder franchement ce nouveau chapitre de sa sexualité. L’homme doit savoir que le « non » de la femme ne lui est pas destiné en propre. Il résulte plutôt d’une surcharge. La femme sent les attentes que l’homme pose sur elle (en plus de toutes les autre attentes liées à la maternité) et elle sait qu’elle ne devrait pas dire „non“. Et c’est exactement pour cela qu’elle ne peut pas dire „oui“ ! Cela peut sembler paradoxal, mais c’est un fait.

Il est indispensable pour l’homme de savoir ce que les mères vivent émotionnellement après la naissance d’un enfant. Certains le savent déjà mais il est très important de parler de cette réalité pour mieux comprendre la situation.

Beaucoup de femme vivent dans une grande dichotomie entre idéal et réalité qui sont extrêmement éloignés l’un de l’autre. La plupart des femmes aimeraient bien retrouver le même désir sexuel qu’avant (comme « les autres »). Parce que cela ne leur semble pas possible, elles souffrent énormément du sentiment de déficit. Leur réalité, c’est qu’elles ressentent le plus souvent chez elles le contraire du désir ou de l’envie. Elles ressentent plutôt le besoin d’ériger une « défense » dans un comportement de protection. Les femmes souffrent de cet état de tension interne. Certes, elles auraient souvent envie d’intimité, de câlins et de mamours. Mais comme leurs expériences leur a souvent montré, comme il est difficile pour les hommes de dissocier cette intimité physique d’un rapport sexuel, elles préfèrent renoncer à l’ensemble des comportements intimes.

De l’autre côté du couple, le « non » de la femme fait mal à l’homme. Il le perçoit comme un rejet. Il est exposé à des nombreux sentiments désagréables. Que se passe-t-il lorsqu’un homme se prend un refus? Le tout premier sentiment est la déception et la tristesse, suivies d’un état de peur lié à l’avenir (par exemple, la sexualité du couple sera perdue) et d’une peur liée au présent (par exemple, si j’étais un homme meilleur, elle ne me rejetterait pas). Cela peut conduire alors à la colère, à la défiance, au repli sur soi et peut-être au désir de vengeance. Il s’agit d’un processus psychique tout à fait normal. Il ne devrait durer que quelques minutes. Si par contre, l’homme reste coincé dans cet état pendant des heures et des jours à mariner dans cette sauce, la situation peut devenir délicate. Il pourra se mettre à l’écart, s’isoler et se sentir coupé du monde, dans une posture d’attente et d’impuissance. Avec comme possible conséquence, que cet homme perde pour la femme une partie de son charisme, de son attrait et nourrisse ainsi inconsciemment un cercle vicieux autour de la perte de la vie sexuelle du couple.

Le sentiment d’avoir «le droit» d’avoir des relations sexuelles induit parfois des « attentes » ou des «demandes» de la part des hommes qui provoquent un «réflexe» de défense voire de rejet de la part de la femme qui va se sentir une nouvelle fois sous pression («Pas toi aussi!» puisqu’elle est déjà poussée à ses limites par la charge mentale domestique qu’elle porte (presque) toute seule.

Se pose ici alors la question de savoir comment l’homme peut transformer ce rejet en une énergie positive et ainsi réussir à la rediriger vers une remise en route en douceur d’une sexualité de couple?

Pour briser ce cercle vicieux, l’homme doit faire sa part et renoncer à ces comportements de «demande» vis-à-vis de la femme. Il doit prendre conscience qu’il peut tout à fait survivre au «manque ressenti» de rapports sexuels tels que pratiqués avant l’arrivée de l’enfant. Il doit savoir qu’il a le choix et qu’il possède toujours en lui les dimensions de plénitude, d’autonomie, d’indépendance et de force. Et le charme! Le charme provient d’un sentiment de plénitude et pas d’un ressenti basé sur le manque. En se recentrant sur son charme, sa fierté et son intégrité phallique, l’homme a de bonnes chances de transformer le «non» de la femme – même si c’est lentement – en un «oui» consenti pleinement.

Mais comment se comporter en tant qu’homme face à cette situation?

Parmi les pistes possibles, inviter sans cesse la femme à faire un câlin, l’amour, la choyer, la nourrir, l’aimer, en laissant pour l’instant radicalement tomber le désir de pénétration. La posture doit être exempte de toute pression à l’encontre de la femme. L’homme doit résister à toute tentation de «vouloir» quelque chose d’elle. Mais dans le même temps, c’est très important qu’il se sente tout de même viril phallique, homme. Le pénis ne doit pas mourir de faim dans ce jeu amoureux sans pénétration. Il y a suffisamment de mains pour le chouchouter. Si, pour une raison ou une autre, vous n’en avez pas envie et que votre besoin de décharge est trop fort, ne vous gênez pas pour faire un numéro sexuel en solo, en toute confiance. Peut-être que votre femme aimera vous regarder faire? Essayez cette stratégie pendant trois mois et il est fort probable que la femme revienne gentiment aux affaires. Le lit redevient un espace accueillant et sans risque pour la femme. L’intimité reste vivante et permettra à la femme de s’ouvrir à nouveau sexuellement et désirer à nouveau l’homme.

Ce nouveau chapitre que l’homme ouvre avec cette démarche est en fait une «naissance» à une vraie intimité basée sur la «persévérance» et l’écoute des besoins sexuels et sensuels singuliers de chacun·e des deux membres du couple. Ainsi la sexualité basée sur un objectif (l’orgasme) n’est qu’une modeste partie du champ de l’intimité physique et sexuelle. Car en fait, en apprenant à mieux découvrir l’intimité à deux au sein du couple, on constate progressivement que si l’on déplace l’attente du besoin d’avoir un orgasme à l’envie de partager un moment sensuel et sexuel partagé avec sa·son partenaire, les sensations physiques, érotiques, sexuelles changent. La nature de la relation sexuelle prend une autre dimension, vers un bien-être mutuel, physique et psychique.

Le texte est basé sur un entretien avec la thérapeute sexuelle Kristina Pfister (www.sexual-beratung.ch) et il s’agit d’une traduction libre de notre rédaction.

Cliquez ici pour accéder l’entretien en allemand:

https://www.swissmom.ch/de/wochenbett/sexualitaet-nach-der-geburt/wenn-das-muetterliche-das-sexuelle-verdraengt-12892

Notre prochain article sera consacré à la communication : Comment parler de sexe? Nous y reviendrons dans le prochain article!

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